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mardi 29 août 2017

Qu'est-ce que le co-schooling ?


Bonjour à tous ! L'article du jour est un peu spécial : j'y laisse la main à Marie-Anne, qui a demandé à m'interviewer sur la pratique du co-schooling.

Même que j'ai le trac. 😁

Mais voilà, c'est avec un vrai plaisir, et je te remercie très sincèrement, Marie, d'avoir pris la peine de me questionner sur ce sujet qui m'est cher autant qu'à toi ! J'espère que vous trouverez, vous aussi, des réponses ici aux questions que vous vous posez peut-être ... Dans le cas contraire, n'hésitez pas à me relancer dans les commentaires ! 😊

Marie-Anne : La première fois que j'ai croisé le terme de co-schooling, c'était dans un de tes articles, je crois ... Ça m'a interpellée ... J'ai décidé de faire des recherches.

Ce que j'ai lu me rejoint particulièrement parce que j'y ai vu une sorte de troisième voie entre l'instruction en famille et la scolarisation "traditionnelle" dans laquelle une grande partie des apprentissages revient aux enseignants. Ça m'a donné envie de tenter quelque chose avec mes deux plus jeunes enfants. Il me semble que cela ressemble beaucoup à ce que tu vis avec tes enfants ...


Quelle serait ta propre définition du co-schooling ?

Elsa : Le mot est venu se mettre assez tard sur notre "pratique" : depuis la naissance de nos enfants, mon mari et moi avons décidé de faire de notre maison un lieu dans lequel apprendre est un plaisir. Cela s'est fait naturellement dans la mesure où, en fait, c'était déjà le cas avant la naissance des enfants ! Nous avons toujours eu des "chez nous" propices aux apprentissages, bourrés de livres, sans télévision, etc.

Mais en devenant Maman, j'ai eu cette prise de conscience :

Nous sommes les seuls au monde à pouvoir donner à nos enfants des parents qui aiment apprendre et apprendre avec eux. 😉

Lorsque j'ai lu le mot "co-schooling" (où ?)  j'ai tout de suite su que c'était ce que je faisais.

Le co-schooling, pour moi, consiste à :

- Partager. Le "CO" de "CO-schooling", c'est clairement celui de "COéquipier". Tous les psychologues nous rabâchent qu'il faut partager un temps de qualité avec chacun de nos enfants. Apprendre ensemble, manipuler ensemble, c'est avant tout une manière simple de passer du temps ensemble. Et forcément, on adore ça. Tous.

Le co-schooling, c'est un engagement réciproque dans lequel l'adulte comme l'enfant font ce qu'il ont à faire. Le premier apprend à jouer, et le second apprend en jouant. 😊

- Se centrer sur les intérêts de l'enfant. Il s'agit, pour l'adulte, d'être connecté à son instinct. C'est un aspect très important : j'ai, en tant que parent, une connaissance intime de mon enfant. Je sais, pour peu que je prenne le temps de "brancher mes antennes", ce qui peut lui plaire ou non. Dès lors qu'on se pique de pédagogie, on se retrouve très vite exposé à des tas d'idées et de propositions - parmi lesquelles il faut faire un tri. C'est l'enfant lui-même qui est notre guide. Si je me fie à ce que je lis à droite et à gauche, je verrai des tas d'enfants qui, bien qu'ayant l'âge des miens, auront fait bien plus, compris bien plus, et posséderons bien plus de jouets et de matériel éducatifs. Pour ne pas me noyer dans ce flots d'informations, je dispose d'une boussole objective : mon enfant. Et avec le temps, j'apprends à me connecter à lui de plus en plus finement - et à me tromper de moins en moins dans mes propositions. Ah, ah !

- Prêter une attention permanente au matériel. C'est l'une de mes grosses prises de conscience montessoriennes : plutôt que de s'auto-ériger en détenteur du savoir, l'adulte peut glisser un matériel choisi dans l'environnement de l'enfant. On sort alors de la triangulation "maitre/savoir/élève" puisque l'enfant construit ses connaissances via le matériel directement, sans que nous n'ayons besoin d'interagir (ou si peu). Je parle ici des jouets que nous mettons à disposition de nos enfants. Et du matériel artistique, de sport ... Il se trouve que je n'hésite pas, moi, à investir parfois dans du matériel purement pédagogique, mais il n'y a rien d'obligatoire ! Et bien des choses peuvent être fabriquées ...

- Permettre à l'enfant de voir le monde pour ce qu'il est : la plus grande et la plus belle salle de classe imaginable, qui propose une myriade "d'ateliers". Bon, j'imagine que cette image ne parlera qu'aux adultes : mes enfants n'auraient pas l'idée de comparer le monde à une salle de classe, ouf ! L'important est qu'ils "vivent le monde", et qu'ils développent (certes inconsciemment) une conception de l'apprentissage qui déborde celle qui se construit trop souvent à l'école. Non, on n'arrête pas d'apprendre lorsque sonne la cloche. Au contraire !?

- Encourager la curiosité et l'apprentissage à chaque étape de la vie. Je "co-schoolais" déjà lorsque mes enfants avaient 6 mois, et ce sera encore le cas quand ils auront 18 ans (ou 50, si je suis encore de ce monde !). Ce qui suppose de s'adapter, il est vrai. Et d'entretenir une relation riche tout au long de la vie. 

- Développer la soif de savoir. Apprendre ainsi, "dans le monde", développe une pertinence, une connexion intime avec ce qu'on apprend. On peut sans doute décrocher d'un parcours scolaire ; mais on ne peut décrocher de la vie. Être vivant, c'est construire des outils et des compétences pour réfléchir, créer et produire dans notre siècle ; être vivant, c'est s'adapter, c'est apprendre. Les savoirs ne sont pas figés. Dès lors que ceci est posé, la question de la motivation ne se pose plus ... Bien sûr que l'enfant en redemande ! Et je me dis avec bonheur qu'il n'a pas fini de devenir un apprenant : vivre et apprendre sont synonymes ! 😊

Si on voulait, cette fois,  donner du co-schooling une définition négative

Le co-schooling signifie : on ne réserve pas les apprentissages à l'école.

C'est tellement logique ! Laissez moi parler à vos entrailles (si, si) et prendre l'exemple du très jeune enfant. Que répondriez-vous à la personne qui vous dirait, en vous voyant interagir avec votre bébé : "Mais enfin, ne lui propose pas de mobiles ! Ne lui tend pas ce hochet ! Ne lui parle pas ! Tout ça, c'est le travail de la crèche/de la nounou !"

Voilà. C'est ce genre de sentiment que j'éprouverais si on me disait : "L'adjectif qualificatif ? Mais enfin, c'est le travail du maître ! Ne lui parle pas Géographie ou Sociologie, sans quoi il s’ennuiera à l'école ... Mais enfin, l'anglais ou l'éducation à la santé, ce n'est pas à toi de le faire !"

Je me dirais que les gens qui parlent ainsi vivent dans un drôle de monde, tout vide, dans lequel les "matières scolaires", qu'il s'agit de "faire" (?), flottent devant eux dans l'air éthéré ... Les bons élèves les attrapent, les autres, non. Question de chance, sans doute. 

Ou pas. 😊


Marie-Anne : As-tu fait des lectures sur le sujet qui t'ont particulièrement inspirée ?

Elsa : Mon parcours, est, je crois, connu des lecteurs de ce blog. J'ai découvert la pédagogie Montessori très tôt dans mes études, mais elle ne m'est clairement "apparue" que lorsque je suis devenue Maman. Antonin, mon fils aîné, avait 5 mois. 

De fil en aiguille, deux ans et demi plus tard, j'ai découvert la pédagogie Waldorf/Steiner, un peu plus ancienne, dont j'aime beaucoup l'essence - bien que l'idéologie ait très mal vieilli et qu'elle nous parvienne teintée des horreurs historiques qu'elle ne pouvait prévoir ... 
Son essence, donc : privilégier la connexion humaine et rythmer sa vie de famille sur le monde naturel. Oui, dit comme ça, c'est vrai que ça fait un peu sectaire. 😊 C'est sans doute pour cela que ma boulangère me regarde d'un drôle d’œil quand je lui dit que ça me fait mal de quitter mon jardin pour aller bosser. C'est que je dois être sectaire. C'est ça. 😊

Et puis, il y eut la découverte Reggio. Dont je ne suis toujours pas remise. Et dont je ne comprends toujours pas pourquoi on la cantonne aux "petites" classes de maternelle.

En bref, cette pédagogie insiste sur la communication et les relations entre les apprenants. Très co-schooling, tout ça, finalement. La question de la "documentation" est peut-être un peu plus difficile à mettre en place à la maison, mais finalement, avec le temps, nous commençons à développer des outils tout simples, économiques et efficaces, qui font bien le job.

Sinon, je garde toujours un œil fort attentif sur la théorie des intelligences multiples, sur l'émergence de Charlotte Mason (encore un vieux truc ressuscité récemment, pour notre plus grand bonheur) et sur les travaux de Célestin Freinet (un classique celui-là, mon premier amour !). Tout cela m'inspire énormément, je rêve d'une espèce de synthèse de toutes ces approches ... qui serait si riche, si ouverte, si vivante ! 💙

Ceci-dit, je n'ai pas fait de lecture spécifique sur le co-schooling ... et rien ne me vient. Mais si vous avez des tuyaux, je veux bien ! 😊


Marie-Anne : Suis-tu une progression prédéterminée et structurée dans les activités que tu proposes ou est-ce que tu fonctionnes seulement au jour le jour en fonction de tes enfants, de ce qui se présente, de tes observations ? Ou est-ce un peu les deux à la fois ?

Elsa :  Surtout pas de progression déterminée ! L'avantage du co-schooling, c'est que nous ne sommes pas à l'école. Programmer prend un temps fou - un temps dont je ne dispose pas. Et pourquoi le ferai-je ? Je n'ai pas d'inspection à subir, aucun compte à rendre ...

Nous avons un carnet sur lesquels nous notons les questions que les enfants nous posent et auxquelles nous sommes incapables de répondre. A titre d'exemple, les dernières en date (signées Antonin) sont : "Que mangent les mouches ?" , "Qui a inventé les dessins-animés ?" et "Comment peser l'air ?". 😁 Sur ce même carnet, nous notons les idées d'ateliers que nous aimerions réaliser prochainement. Louiselle m'y a fait écrire : "Décorer des cupcakes.", "Fabriquer des ballons sensoriels." et "Dessiner sur du tissu.", et j'ai ajouté : "Fabriquer du papier recyclé." Le Papa des enfants, généralement, ne note rien, mais propose aussitôt que l'idée germe dans sa tête (dernière en date : Proposer un support pour utiliser la visseuse/dévisseuse.)

Toutes ces idées, toutes ces questions, sont là, notées ; si les enfants le souhaitent, ils peuvent nous solliciter pour mener une recherche (via des documentaires et Internet) ou pas. Certaines tombent dans l'oubli, ce n'est pas grave. Apprendre, ce n'est pas tout savoir. Il y a une chose qu'on découvre rapidement lorsqu'on est enseignant : on ne peut pas tout faire. Et ce n'est pas grave du tout, puisqu'apprendre est un processus, pas un résultat. Lorsqu'on a compris cela, on n'a plus peur des éventuelles lacunes - ni des siennes, ni de celles de ses enfants !

Notez que je propose aussi des activités à mes enfants auxquelles ils n'auraient pas pensé. Tout ne vient pas d'eux ! Nous sommes une famille : certaines choses sont amenées par eux, et d'autres par moi ou mon homme. Nous prenons les idées comme elles viennent. Cela me parait sain et équilibré. 😉

Parce que, d'abord, il y a des choses qui ne s'inventent pas. Par exemple, le son que codent les lettres. Ou la signification des chiffres romains. On peut laisser l'enfant s'enferrer dans une enquête fastidieuse sur la signification de ces signes - ou on peut l'aider à mémoriser ces conventions pour ce qu'elles sont : des conventions, arbitraires et utiles, dont il s'agit de systématiser la connaissance si on ne veut pas, à 9 ans, se retrouver le nez le nez en l'air dès qu'il s'agit d'écrire le son [g] - "Qu'avais-je découvert au terme de mon enquête, déjà ?". Maria Montessori ne dit pas autre chose : ce type de systématisation fait l'objet de ses leçons à trois temps. Mon enfant ne peut pas deviner les mots "onze", "douze" et "treize", ni les mots "vingt", "trente", "quarante". Je les lui apprends donc, lorsque je constate que le fait de ne pas les savoir l'empêche d'accéder à ce à quoi il tend.

De plus, j'appartiens à une communauté de pensée qui innove énormément, et qui m'inspire. Je parle de ce que découvre sur Internet, oui, via les blogs de parents et les comptes Instagram. J'inspire à mon tour mes enfants - j'espère ! - en leur proposant des activités nouvelles dont ils n'auraient pas eu l'idée tout seuls (et dont je n'aurais pas eu l'idée toute seule, non plus, d'ailleurs) : réaliser des moulages de plâtre, mémoriser telle comptine anglaise ou organiser une chasse aux étoiles... Les idées circulent, nous ne sommes pas seuls au monde, centrés sur notre nombril et nos petits "centres d'intérêt" !

Partir des intérêts de l'enfant, c'est une bonne base. Mais proposer d'autres choses (en pleine conscience de qui est cet enfant-là, néanmoins), c'est un prolongement indispensable. Qui donnera naissance à d'autres centres d'intérêt ! 😊


Marie-Anne : Comment fais-tu pour trouver le juste équilibre entre ce qui se vit à la maison et ce qui se vit à l'école ? Te donnes-tu des limites ?

Elsa : Je ne suis pas sûre de bien entendre ta question ... Parles-tu de l'équilibre de l'enfant ou du mien ? 😊

Allez, je pense que tu parles de l'équilibre de mes propositions ... en terme de contenu ? C'est cela ?

Je refuse de suivre - ou d'anticiper - ce qui se passe à l'école. Genre : "Ah, ma fille va aborder la leçon du COD, vite, je vais lui expliquer avant, comme ça elle comprendra mieux à l'école.". Raisonner ainsi revient à ne pas croire en la capacité de l'enseignant à expliquer - pire : cela revient à ne pas croire en la capacité de l'enfant à comprendre.

Vous allez certainement être surpris de quelque chose : je me soucie assez peu de ce que mes enfants apprennent à l'école. S'ils me parle de l'école, bien sûr, ça m'intéresse. Notez qu'ils me parle beaucoup de ce qu'il y vivent, mais assez peu de ce qu'il y apprennent. C'est normal. Cela me donne parfois (rarement) des idées sur lesquelles rebondir.
Mais je n'analyse pas leurs cahiers. Je dois, comme la plupart des parents, je crois ?, me faire un peu violence lorsque le jour vient où il faut les signer. L'idéal est de feuilleter avec l'enfant ses travaux, d'en discuter avec lui, de montrer que cela nous intéresse. Et on le fait, oui. Je le fais, comme tout le monde. Mais je vous assure qu'il y a des soirs où cela relève clairement de la corvée, même si je joue l'enthousiasme (cela vient peut-être aussi de mon métier : des cahiers, j'en vois assez !).

De la même manière, c'est toujours mon mari qui encadre les devoirs du soir.

Après une journée de classe, j'aime bien raconter la mienne aux enfants. Alors, ils me racontent souvent la leur. Ma "fenêtre" sur leur scolarité se borne à cela, et c'est parfait pour moi.

C'est peut-être ce que tu entends quand tu me demandes si je me donnes des limites ? Oui, je m'en donne, de ce point de vue. Je me tiens à distance. 😊

Si ces limites concernent le contenu des savoirs, par contre : il n'y a aucune limite. Toute matière, tout concept peut être invité sous notre toit s'il passe par là. A bon entendeur ! 😉


Marie-Anne : Tu as l'opportunité de pouvoir observer cette réalité des deux côtés, as-tu le sentiment que cette façon d'accompagner ses enfants et de leur permettre de faire une partie de leurs apprentissages à la maison, avec leurs parents, soit considérée de façon positive par les enseignants ? Ou est-ce cela peut-être source de tensions ?

Elsa : Tout dépend, et en France on souffre cruellement d'une certaine vision des matières scolaires ... Par exemple, si votre enfant est très moteur et que vous passez votre week-end à courir et à jouer au foot avec lui, tout le monde trouvera cela très bien. De même pour les activités artistiques et technologiques. C'est comme si, pour ces disciplines, tout le monde s'accordait sur le fait qu'il ne pouvait pas y avoir conflit entre deux manières d'apprendre - à l'école et hors de l'école.

Si votre enfant se passionne de Sciences ou d'Histoire, on ne manquera pas de le féliciter pour sa culture générale. Qui ne peut que tomber du ciel, bien entendu. 😉 Je ne suis pas sûre que vous soyez compris si vous expliquez que vous passez vos week-end à nourrir cet appétit en fournissant le matériel scientifique,  modélisant les découvertes, confectionnant des cahiers, inventant des jeux, etc.. On risque de vous trouver un peu farfelu. Gentiment farfelu, bien entendu. 😊

Par contre, si le dada de votre enfant, c'est la grammaire (ou les tables de multiplication ...) je vous conseille fortement de garder cela pour vous. Le "français" et les "mathématiques" sont estampillés "matières scolaires" depuis la naissance de l'école - vrai je crois que les gens pensent sincèrement qu'on en "faisait" pas avant. En tout cas, si vous glissez que vous fournissez des alphabets mobiles à votre enfant de maternelle, on va immédiatement vous suspecter (le mot est faible) de le sur-stimuler.

Prudence, donc, dans ce que nous racontons de notre vie intime aux enseignants. Après tout, ils n'ont pas besoin de savoir ce que vous faites à la maison. Ils constateront certainement certains penchants chez votre enfant ("Ah, ce qu'il est matheux, hein ?") et ils seront tout content de faire cette découverte tout seuls. Ils n'ont pas besoin que vous leur fonciez dessus le jour de la rentrée en disant : "Je vous préviens, il adore les maths, il fait des maths toute la journée ! D'ailleurs, je voulais vous demander : vous connaissez Montessori ?". 😂

Puisqu'on aborde ce sujet, je voudrais développer en quelques mots cette relation parents/professeur. 😊

Pensez toujours que l'enseignant a quelques 30 enfants à gérer chaque année (je vous l'accorde, c'est très difficile à concevoir lorsqu'on n'est pas du métier !), et qu'il a besoin de temps pour les connaître. Avec chacun, il va développer une relation unique. Dont vous, en tant que parent, êtes exclu. Ce qui se joue à l'école n'appartient qu'à votre enfant. C'est une opportunité qui lui est offerte de vivre quelques heures loin de votre regard - vrai, je pense que cela fait du bien de ne pas toujours être avec ceux qu'on aime. A l'école, votre enfant a la possibilité de ne pas être celui qu'il est à la maison - et vous serez peut-être surpris d'apprendre que la fillette que vous savez si musicienne ne se distingue pas tant que cela en musique, finalement, à l'école. Ce n'est pas grave - mieux : c'est très bien. Souriez, faites-lui confiance, et continuer de lui proposer des activités musicales à la maison si elle en demande. 😊

Plutôt que de vouloir échanger à toute force avec l'enseignant autour de votre enfant, laissez-le respirer. La relation est d'autant plus chouette avec l'enfant que ses parents ne prennent pas trop de place. Bien sûr : rendez-vous aux portes ouvertes, aux réunions, aux rencontres parents-profs, portez-vous volontaires pour les sorties, saluez les enseignants et prenez le temps d'échanger quelques mots sur votre enfant si nécessaire. Mais je vous assure que les parents qui nous harponnent un quart d'heure tous les matins, et qui réclament 3 réunions d'une heure par an (que nous finissons par accorder sur notre temps personnel, soit dit en passant) alors que tout va très bien, s'ils ne polluent pas la relation qu'on a à leur enfant, finissent tout de même par gâcher quelque chose ...

Avec les enseignants, deux règles d'or : faites confiance ! Et préservez votre jardin secret ... 😉


Marie- Anne : Pour terminer, quels seraient tes conseils pour les parents qui voudraient vivre une forme de co-schooling ?

Elsa : Lancez-vous le défi d'apprendre quelque chose tous les jours ! Faites-le avec plaisir, et échangez avec vos proches sur ce que vous apprenez. Le reste viendra tout seul, à savoir : vos enfants développeront le goût d'apprendre ! 😊


Enjoy !

lundi 21 août 2017

De l'artisanat


Quelle est la différence entre l'art et l'artisanat ? 😊

En pédagogie, il semblerait qu'il s'agisse de deux domaines d'apprentissage distincts.  

En art, on étudie l'Histoire de la vie des peintres, on s'applique à décrire les grands mouvements picturaux. On s'exerce à travailler avec divers média (pastels, peinture sur soie etc.) selon divers sujets (portrait, nature morte, silhouette de dos, etc.).  

Lorsqu'on parle d'artisanat (crafting, en anglais), on subordonne, il me semble, la technique au "matériau", qu'il soit textile (broderie, dentelle, tissage, teinture végétale...), métal (coutellerie ...), bois (ébénisterie, menuiserie ...), etc. 

En France, les filières artistiques et les filières techniques n'exigent d'ailleurs pas les mêmes pré-requis, et ne s'enseignent pas dans les mêmes établissements... 


Cela fait bien longtemps que je réfléchis à ce qui distingue l'art et la technique. Et je suis de celle qui pense, en effet, que les deux domaines d'exercice ne recouvrent pas les mêmes réalités cognitives et manuelles. J'ai proposé des activités à caractère artistiques à mes enfants très jeunes - dès que leurs mains se sont libérées lors de l'acquisition de la posture assise, vers 6 mois. Mais nous n'entrons que depuis quelques semaines dans des activités dites "manuelles", "artisanales" - mes enfants ont aujourd'hui 5 et 6 ans. Pourquoi ce décalage ?

À bien y réfléchir, je ne crois pas vraiment à la distinction naïve posée plus haut. L'artisanat ne se définit pas uniquement dans une relation à la matière. Car tous les matériaux utilisés par lui (l'argile, le cuir, le verre, le carton, la pierre ...) peuvent l'être aussi à des fins artistiques... 


Il me semble que c'est l'intention qui fait la différence. 
En gros peut-être : on "fait" de l'art avec ses tripes, et de l'artisanat avec sa raison.
Si mon objectif, en saisissant cette boule d'argile, est l'expression de soi ou d'une idée, sans doute suis-je engagée dans un processus artistique. 
Si mon objectif est de produire un objet pratique - par exemple un bol esthétique et étanche qui me permette de ranger ma collection de coquillages - je suis dans l'artisanat. 
Notez que l'objet fini sera peut-être exactement le même, qu'il soit d'art ou d'artisanat : dans notre exemple, un bol d'argile ciselé, dans lequel j'aurai mis tout mon talent et toute mon âme ...

En artisanat, nous poursuivons toujours une idée préconçue : nous souhaitons créer tel type d'objet qui devra répondre à certains critères - esthétiques et pratiques. L’artisan, c'est vrai, a une relation particulièrement complexe avec la matière, dans la mesure où il vise une certaine efficacité : il s'agit souvent de faire plier le matériau à ses fins, là où l'artiste peut, peut-être, accepter plus facilement le dialogue. 

Car la matière a sa volonté propre, et ne se laisse pas faire. 😉 La spécificité de l'artisanat, c'est peut-être la frustration : je veux coller ces deux morceaux ensemble - j'ai besoin qu'ils soient collés, car je poursuis un but technologique précis ( par exemple : je façonne une chaussure qui doit être confortable et solide).  
Comment faire pour y parvenir ? Quelle colle utiliser ? Comment l'appliquer et en quels points ?


Je déplore souvent que l'enfant, en maternelle, passe son temps à réaliser de petits "bricolages" qui ne lui apportent pas grand chose : il s'agit de suivre des instructions, délivrées par l'adulte (et parfois même exécutées par l'adulte ...), afin de produire un objet "en série" - grosso modo, chaque enfant de la classe obtient un produit similaire à la fin de la séance. 

Généralement, lors de l'entrée en école élémentaire, ces séances s'arrêtent net. Tout ça, c'est pour les bébés, voyez-vous. En maternelle, "on fait de jolies choses", mais en élémentaire, place au sérieux : il s'agit d'apprendre à lire et à compter, tout de même.


Je soutiens, moi, que c'est justement le moment où il faudrait commencer à "bricoler" !

Vers 5/6 ans, l'enfant peut commencer à développer une idée préconçue de ce qu'il veut réaliser, et  suivre cette idée tout au long du processus de réalisation. Ils s'intéresse aux notices, aux modes d'emploi. Il aime faire les choses dans l'ordre et se sent fier de l'objet réalisé, qu'il souhaite garder précieusement.

En règle générale, tout cela est hors de portée des plus jeunes. Bien sûr, comme toujours, certains enfants parviennent à maîtriser ce processus de création (articulant pensées et actions, puis comparaison des deux) un peu plus tôt que d'autres. Mais grosso modo, c'est vers 5 ans que ce stade débute, et même : il se muscle avec le temps. Entre 8 et 15 ans, la technologie procure un vrai plaisir à bien des enfants - mais elle est quasiment absente des programmations scolaires "classiques", et les parents qui proposaient tant d'activités manuelles lorsque leurs enfants étaient bébés n'y songent même plus lorsqu'ils en ont l'âge ...


Alors, voilà, je voulais simplement vous dire que chez nous, une nouvelle ère avait officiellement commencé - bien sûr, cela fait longtemps qu'elle était amorcée, dans l'ombre, via les jeux de construction et d'électricité ...

Et bien sûr, on aime (à la folie !). Voici comment nous procédons. 


Les enfants ont une idée d'objet à réaliser. Ou parfois, c'est moi. 😊 Nous cherchons sur Internet ou dans des livres ce qui pourrait se rapprocher de ce que nous avons dans la tête, nous nous montrons nos découvertes, nous les décrivons, nous argumentons : "Comme ça exactement, sauf que là, il faudrait ... Et puis, comme nous n'avons pas tel matériau, on pourrait prendre ...".

Pour le moment, je ne soumets pas de fiche technique à mes enfants - ils en côtoient à travers les Legos et autres, ce qui est très bien. Je les laisse plutôt tâtonner en vue du produit que nous cherchons à réaliser. Par exemple, au moment de fabriquer nos petits avions en pinces à linge, dont nous avions vu l'image sur Internet, nous avons commencé par réunir les matériaux nécessaires, puis j'ai demandé : "Par quoi allons-nous commencer ?". Les enfants m'ont tout de suite dit : "Il faut coller." Ils ont empoigné les pinces à linge et les bâtonnets, ont dévissé les tubes de colle - puis ils ont montré quelques signes d'incertitude ...

"Vraiment, ai-je dit, tout de suite ? Si l'on veut obtenir ce résultat, ne faut-il pas faire quelque chose d'abord ?" Après un nouveau regard au "modèle" (qui matérialise ici "l'idée à poursuivre") : "Ah, oui, peindre. On va choisir des couleurs." Et tout en peignant chacun des éléments sous toutes leurs coutures,  ils ont développé une connaissance physique des matériaux qui a facilité (un peu !) les phases suivantes - de plus en plus critiques : collage des parties et équilibrage du mobile.

Pour le moment, je préfère qu'ils construisent les différentes étapes de réalisation à travers la discussion plutôt que de suivre une recette, c'est plus vivifiant pour le cerveau. 😊

Et bien sûr, comme toujours, la matière résiste. Parfois beaucoup, et chez nous l'adulte n'hésite pas à assister. Ce serait inconcevable "en art" - où chacun fait sa cuisine, et où il n'y a pas de "bonne réponse" - mais nous sommes ici "en bricolage". Le terme peut avoir une connotation péjorative : "Pff, c'est du bricolage !"dira-t-on d'un travail d'amateur sans garantie. Mais en y réfléchissant, bricoler, c'est se débrouiller, c'est s'en tirer avec des moyens de fortune, c'est réajuster ses plans initiaux en fonction des difficultés rencontrées ... Et ne pas lâcher son objectif. Car ici, il y a une bonne réponse : il faut que ça marche.

Ce que j'aime, quand on "bricole" avec les enfants, c'est que personne ne détient le savoir. Zut de zut, impossible de coller ces deux éléments entre eux. Nous réfléchissons : et avec le pistolet à colle ? Avec de la glu ?  Avec des élastiques ? On essaie, ça ne va pas. Des agrafes ? Ah, pour cette partie-là, oui, pour cette autre, il faut encore chercher ... Chacun, des Oncles aux Invités en passant par les Petits Voisins,  y va de son grain de sel.

Et les grains de sel, on aime ça (à la folie !).😊

mercredi 16 août 2017

Reggio : mettez-y le prix !

" Plus large est l'éventail des possibles offert aux enfants , 
plus intense sera leur motivation, et plus riches seront leurs expériences."
Loris Malaguzzi.

Je fais remonter cet article d'août 2015 (revu et corrigé selon mes dernières découvertes) en vue de la rentrée qui se profile - non, rassurez-vous, moi non plus je n'ai rien préparé encore. 😊 Bonne (re)lecture, et vive les vacances !!



Pour les parents montessoriens qui découvrent en second lieu la pédagogie Reggio, celle-ci apparaît comme une bouffée d'air pur au moins sur un point : le porte-monnaie ! 😊

On le sait, la pédagogie Reggio ne nécessite pas de matériel spécifique, et encourage la récup' en tout genre. Tant mieux, tant mieux, on va économiser nos sous... et puis, tout dépenser en matériel artistique, bien sûr ! 😁

Car c'est l'un des principes les plus connus de la philosophie Reggio : le matériel mis à disposition de l'enfant - et en particulier le matériel plastique - doit être de la plus haute qualité

Et si vous hésitez sérieusement à mettre 15 euros dans une pochette de feutres, pensez aux boites de cylindres colorés auxquelles vous avez su résister (ou dû renoncer...), qui valent le double et qui, même dans le cadre d'un usage intensif, n'auraient pas occupé votre enfant le 100e du temps qu'il va passer à manipuler ces superbes Faber-Castell... 😉


Mais au fait, pourquoi acheter du matériel d'artiste pour nos enfants et nos élèves ?

Car franchement, vous les avez observés, ces petits démons ? Ils sont capables de réaliser vingt dessins en trois minutes, décrétant qu'il leur faut une feuille neuve après avoir tracé trois traits vagues.  Ils écrasent les mines, perdent les bouchons, mélangent les couleurs de la boite d'aquarelle... Ne peut-on, au moins dans un premier temps, leur proposer des machins "pour enfants" achetés en supermarché ?

Non, on ne peut pas. Car proposer du matériel de choix envoie un message éducatif, qui lui, n'a pas de prix. En proposant des matériaux de qualité à l'enfant, on lui signifie que ce qu'il va en faire est important. Que cela compte pour nous.

Du point de vue de l'enfant, de bon outils l'incitent, par eux-mêmes, à travailler plus précautionneusement, plus lentement. Ils lui apprennent à reprendre un travail délaissé la veille pour le poursuivre, ou à réinterpréter plusieurs fois un sujet qui lui tient à cœur.

Et puis, c'est inévitable : les fausses palettes de fausse gouache ne donnent qu'une couleur sale et falote, les colles de mauvaise qualité ne collent pas, l'encre des feutres bas de gamme tournent, les mines se fatiguent en un temps record. "Tous les enfants sont des artistes", disait Picasso, mais personne ne peut créer avec des matériaux qui ne font pas leur part du boulot, et qui, quant à eux, renvoient clairement le message suivant : "Ce que tu fais ne tiendra pas dans la durée.".

Un autre argument de poids réside dans le rapport sensoriel de l'utilisateur à ses outils. Ah, oui, nous sommes montessoriens, tout de même ! Quid du plaisir de la couleur vibrante, du pinceau qui glisse sur ce papier au grain léger, de la lame qui tranche avec précision, de l'ébauchoir qui s'enfonce dans la terre fraîche ! Plaisir de tous les sens, auquel, nous le savons, l'enfant est extrêmement réceptif...


Entendons-nous bien : si on propose des outils professionnels à nos enfants, il est exclu de laisser le petit dernier mâchonner ses pastels Stockmar à deux euros la bête. En Reggio, on accompagne, et ça tombe bien, puisque l'essence de cette pédagogie est là. On transmet notre respect pour ces matériaux de choix, on explique comment les utiliser ("Non, on ne plante pas ce délicat pinceau de soie dans l'argile, il n'est pas fait pour cela ! Si tu veux creuser ce genre de trou, peut-être peux-tu essayer avec ce crochet ou ce tournevis ?"), et comment les ranger. Je peux vous affirmer d'expérience qu'à Noël de leur Petite section (vers 3 ans, donc), tous les enfants sont capables de laver leurs pinceaux et leurs palettes, de reboucher leurs feutres et de tout ranger à sa place. Et dans un cadre domestique, ces compétences peuvent être acquises bien plus tôt si l'adulte  ne se décourage pas ! Le jeune âge d'un enfant n'excuse pas les succédanés. Ne vous dites pas "Il/elle est trop petit(e), j'achèterai cela plus tard" !". La première bonne raison pour vous décider tout de suite, est que ce matériel artistique risque fort de durer très très longtemps - toute la longue enfance de votre enfant, en fait. De plus, les matériaux de qualité sont plus résistants aux petites mains, se laissent plus volontiers détourner au nom de l'art, et se lavent plus facilement - rien n'empêche donc de les proposer dès le premier signe de manifestation d'intérêt de l'enfant pour les arts plastiques !

Bien sûr, on peut parfois ruser un peu : le papier, par exemple, peut tout à fait être de récupération. Cette trame grossière, ces couleurs mates sont tout à fait intéressantes, et le papier d'emballage ne coûte rien. Pensons aussi au "papier machine", peu onéreux, pour les dessins aux feutres ou aux crayons, les découpages variés... C'est le papier idéal pour s’entraîner, mais je suis toujours déçue quand mes enfants, inopinément, réalisent un chef d’œuvre sur ce papier-là !! Bien fait pour moi !! 😓

Car c'est sûr, il est impossible de s'en contenter : le papier épais est nécessaire pour l'aquarelle, le papier à dessin format "raisin" ou le papier en rouleau s'imposent pour les travaux collectifs, le papier Canson permet de travailler la gouache, l'acrylique, le fusain et l'encre... Quelques vraies belles feuilles de papier glacé ou grainé seront de sortie dès que l'enfant manifestera son désir de faire un BEAU dessin. Dans l'idéal, le matériel est à disposition, et on essaie d'inculquer patiemment, jour après jour, le discernement nécessaire : "Que veux-tu faire aujourd'hui ? Beaucoup de dessins rapides, des esquisses, pour t’entraîner ? Prends plutôt ce papier moins cher. Mais si tu as envie de passer beaucoup de temps sur ton travail, d'enrichir encore et encore en vue d'un objectif précis, prends alors une belle feuille comme celle-là.". Parlons avec nos enfants de leurs intentions avant le travail - quand le climat s'y prête, car la plupart du temps, ils sont tant dans l'action qu'il n'est pas possible de discuter !! 😊

Mais ainsi, petit à petit, l'enfant fait la distinction entre une ébauche, une recherche, ou un réinvestissement des derniers gestes exercés. Et sait alors quel support choisir en conséquence. L'adulte peut aussi, lorsqu'il a observé une phase d’entraînement intensive, proposer une belle feuille de papier pour inviter l'enfant à réaliser une synthèse de tout cela.

"Sirène à oreilles", Antonin, crayons aquarellables Caran d'Arches et Mitsubishi, carnet à dessin Canson 90g, août 2015.

Je termine par mes marques coups de cœur... Je n'ai pas encore tout exploré : chaque boite achetée dure une éternité malgré un usage intensif, et de ce fait, je n'achète pas des matériaux à tour de bras... Bonne nouvelle, non ? Mais qui explique que je suis friande de vos retours d’expérience si vous en avez... 😊

La marque Stabilo est facile à dénicher, et elle est d'un excellent rapport qualité/prix. Tout est bon : les crayons ("Woody", pour les petits), et les feutres : prenez les Cappi pour le coloriage, le point 68 pour le dessin et le point 88 pour la réalisation des détails - c'est mon dernier achat, qui correspond tout à fait à l'intérêt graphique d'Antonin, et ses œuvres en ont été transformées ! De plus, la palette offerte est digne, en variété et en délicatesse, d'une troisième boite de couleurs Montessori, je ne vous dis que cela !! 😉

Édit du 16 août 2016 :

Je porte toujours les Woody de Stabilo aux nues : pour leurs couleurs vibrantes, leurs textures soyeuses, et le fait qu'ils soient quasiment les seuls crayons à ma connaissance à s'effacer simplement à l'eau lorsqu'on les utilise sur plastique. Mais : qu'est-ce qu'ils sont gros ! Beaucoup, beaucoup trop gros. Et les gros diamètres, à force d'observer des Petits, j'en reviens... Impossible de tenir un pieu comme on ferait d'un outil scripteur; Essayez vous-même, vous le constaterez : c'est impossible. Et un Woody, dans les mains d'un bébé, c'est un pieu.
Connaissez-vous les alternatives de qualité ?

Je n'ai acheté qu'une boite de pastels à l'huile - qui, je pense, va durer encore quelques années ! Il s'agit de la marque Pentel, chez qui j'achète également nos pinceaux à eau pour l'aquarelle. Excellent rapport qualité/prix, rien à redire !

Pour les crayons de couleurs, nous utilisons ici des Caran d'Aches (Swisscolor). Nous comptons tester un de ces quatre les Derwent et les Koh-I-Noor, quelqu'un a-t-il expérimenté ? Le critère de choix pour ces outils est qu'ils permettent les estompes et les dégradés. C'est la moindre des choses, sinon, autant prendre des feutres, hein ? 😄

Pour le papier, il est intéressant d'investir dans des rouleaux, qui permettent de disposer de papier "d’entraînement" d'assez bonne qualité au kilomètre (ou presque). Pour le reste, Canson reste la marque incontestée, facile à dégoter et pas trop cher, pour tous les projets spécifiques - papier de couleurs en tête. Gardez tout de même un œil sur les offres de votre magasin de fournitures local : le papier générique de telle ou telle enseigne est souvent très qualitatif ... et pas trop cher !

Pour l'aquarelle... Nous utilisons depuis des années deux petits coffrets, achetés avant la naissance des enfants, de la marque Winsor Newton (dont cette palette-ci, excellent rapport qualité/prix !). J'ai presque hâte de les terminer, malgré leur qualité, pour tester d'autres produits... Mais ce n'est pas demain la veille, comme on dit ! 😄

Pour les ciseaux, chez nous, on est fidèle à Maped. Ca fait "Tchlack ! Tchlack !" à chaque mouvement (plaisir sensoriel, vous dis-je !!) et... ça coupe. Bien.

La pâte à modeler est toujours faite maison, l'argile ne nous a jamais déçus - ne me demandez pas la marque, je crois bien que j'achète la moins chère, à 5 euros le gros pâton de 5 kilos.

Je teste les colles écologiques à tour de bras - la dernière en date : Tesa, mais la liste des ingrédients me laisse un peu sceptique. D'autres idées ?

Pour la gouache, je suis fidèle à Giotto, même si je crois que je vais tester d'autres marques bientôt - mais encore un fois, d'ici qu'on ait vidé les bidons... l'eau - enfin, la peinture... - aura coulé sous les ponts !

Même remarque pour la peinture acrylique : en ce moment c'est Zenacolor qui nous comble, mais il est difficile de comparer vu le rythme auquel les tubes s'écoulent. Pour rappel : une goutte d'acrylique suffit à réaliser un large travail ! Et n'oubliez pas que chaque noisette non utilisée est vouée à la poubelle : mieux vaut avoir à en remettre un peu sur la palette... 😊

Et vous, quels sont vos coups de cœurs ? 😊

mardi 8 août 2017

Table des saisons : été 2017


Depuis l'automne dernier, nos tables des saisons ont déserté l'atelier pour s'inviter dans le salon. Cela s'est fait naturellement : nous avions besoin d'une étagère facilement accessible pour y déposer nos trésors naturels. L'atelier se trouve au 3e étage de notre maison, et franchement, ôter ses bottes sales d'une main, tout en essayant, au creux de l'autre main, de maintenir en bon état le cadavre de caloptéryx trouvé au pied d'une haie, monter ensuite une quarantaine de marches pour déposer rapidement la dépouille sur une table et se dépêcher de redescendre... Bon. Petit à petit, les choses se sont organisées autrement : les trésors ont été entreposés en bas, le temps que nous identifions les trouvailles et que nous leur trouvions une boite... Et puis, elles sont restées là, au moins quelques temps, s'accumulant au grès des découvertes et formant une table d'exploration scientifique sans même que nous ayons à y songer.

Nous réalisons parfois des Tables "spéciales", à l'occasion de fêtes, pour lesquelles nous réquisitionnons une grande étagère basse. Nous y disposons les trésors naturels du moment, et les laissons nous inspirer pour réaliser nos décorations thématiques (Halloween, Noël ou Pâques...).

Mais pour l'ordinaire, nous nous contentons d'une petite étagère qui sépare le salon et la cuisine. Elle n'est pas très grande, mais c'est bien ainsi : lorsqu'elle est est envahie, c'est le signe qu'il faut trier nos trésors, en jeter certains au compost et monter ceux que nous voulons garder dans l'atelier, où ils seront conditionnés autrement. Cette étagère est un peu haute (c'est une sorte de bar, si vous voulez, un de ces trucs moches que nous ferons sauter lorsque nous retaperons notre rez-de-chaussée) mais les enfants adorent y accéder en se juchant sur un banc, qui a justement sa place au pied de ce demi-mur, côté salon. Le fait d'être debout, accoudé là, physiquement dans le salon mais tournés vers la cuisine, les enchantent. De ce poste, ils aiment me faire la conversation pendant que je prépare un repas, par exemple. Et ils en profitent pour manipuler et admirer nos récoltes du moment, le plus naturellement du monde.

Hier, notre "table de Nature" m'a interpellée et j'ai eu envie de la photographier. Je l'ai trouvé particulièrement sobre - plus qu'à l'ordinaire : pas d'images, pas de livre ouvert, pas d'étiquettes... Je n'ai rien, bien sûr, contre ces adjonctions : notre calendrier de l'année dernière, signé Elsa Beskow, est régulièrement découpé pour  décorer notre installation. De même, nos Fanette et Filipin, ou divers documentaires. J'aime en général, proposer un peu d'écrit dans cet espace - je songe d'ailleurs à tracer certains mots clefs sur des galets ("coquille", "noix", "insecte", etc.) de manière à inciter ma Damoiselle de 5 ans à déchiffrer ces légendes et à les appareiller avec ses découvertes.

Hier, il n'y avait rien de tel sur notre table. A vrai dire, elle était assez aride, comme la saison qu'elle illustrait à merveille. Telle qu'elle était alors, elle me plaisait vraiment et me parlait de ce "bas-été", comme je l'appelle, qui commence à la mi-août et qui tire la saison en cours vers celle qui suit. L'ambiance, au jardin, est plus aux graines qu'aux fruits. Malgré la chaleur, l'automne se prépare... 😊


Ce qu'il avait, dans cette Table des saisons, c'est que chacun des éléments disposé me parlait de notre environnement et de la manière dont nous interagissons avec lui. Ainsi, lorsque je regarde ce petit espace, je vois un bouquet de plumes, collectées soigneusement en cette période de mue des oiseaux ...


... et une sélection de nos plus belles coquilles d'escargots vides, pierres et fossiles ... Une petite loupe invite à l'observation fine - et le tout me rappelle que j'ai bien des recherches à mener et des cartes de nomenclatures à fabriquer ... 😁


Je vois... Ah : les coquillages. Récolte saisonnière, s'il en est. Et, une fois de plus, cartes de nomenclature en souffrance. 😂


Je vois un petit objet cher à mon cœur : ma belle-soeur japonaise m'a offert à Noêl dernier un coffret comportant 12 bougies flottantes en forme de fleurs. Au Japon, chaque mois est symbolisé par une fleur. Au début de chaque mois, nous allumons donc une nouvelle bougie et nous avons ainsi une pensée pour notre famille. Ce petit rituel nous permet aussi d'aborder une espèce florale parfois familière, parfois totalement inconnue. C'est idéal pour une table de Nature, non ? Et puis, j'aime bien cette lumière qui évoque celle du Soleil ...


Je vois ces galets au fond d'un vase de plantes sèches issues de notre jardin.


Et je repense à ce moment où mes enfants, tout petits alors, les avaient choisis entre tous, à cette séance de plein hiver où ils les avaient peint - et à cette journée, plus récente, où nous décidâmes de les reprendre pour les embellir ...


Je vois ce bouquet de fleurs en papier...


... et je revois l'attention de ma fille et son intérêt pour ce menu matériel sur la table - pages de vieux magazines, attaches parisiennes et piques à brochettes...


Voici certainement l'unique secret d'une table de Nature vivante - vers laquelle on est attiré et qui ne cesse d'être manipulée : le fait qu'elle soit personnelle. 😊


Réalisez-vous, vous aussi, des tables de Nature aux couleurs des quatre saisons ? Avez-vous l'impression qu'elles parlent de vous et de votre famille ? Qu'aimez-vous y voir, alors ? Si vous souhaitez m'envoyer vos photographies à 
ouestucoquelipop@gmail.fr, 
je serai honorée de les publier ! 💓

Et si, comme moi, vous êtes toujours à la recherche d'inspiration, n'hésitez-pas à consulter mon tableau Pinterest sur le sujet et à partager les vôtres dans les commentaires !

Merci d'avance pour vos partages ! 😊

mercredi 2 août 2017

Mercredi Montessori : Versés, coopération et résolution de problèmes


"Ah, soupire soudain Louiselle. Moi j'aimais bien faire des versés, quand j'étais bébé ...

- S'il n'y a que cela, rétorqué-je, je te prépare une activité en moins de deux, ma chérie. Attends seulement que je termine ce que je suis en train de faire."

Ce que je suis en train de faire, c'est-à-dire : vider ma caisse de matériaux recyclables dans la grande poubelle extérieure que nous vidons, lorsqu'elle est pleine, dans le conteneur municipal (ma vie est passionnante).

C'est alors que je m'aperçois que je tiens une petite bouteille en plastique vide dans chaque main, que je m'apprêtais à écrabouiller avant de jeter. Chez nous, ce type de matériau est rarissime : mais nous rentrons de voyage et avons dû, en catastrophe, acheter un peu d'eau supplémentaire sur l'autoroute. Matériaux rarissimes, oui ... et dire que j'allais les jeter ! 😅

Eh, non, Damoiselle, 5 ans, ce n'est trop vieux pour s'exercer à verser. C'est même juste le bon âge, mais comme toujours, il faut adapter la difficulté à l'enfant. Pour cela, ces deux petites bouteilles sont vraiment parfaites : elles sont maniables et transparentes,  permettant à l'enfant de visualiser le niveau de l'eau à l'intérieur. Mais elle sont aussi légères, de plus en plus au fur et à mesure que le niveau de l'eau qu'elles contiennent baisse. Leur goulot est étroit, et nécessite l'usage d'un entonnoir, bien en équilibre en haut de cette forme oblongue. Bref, l'équilibre de l'appareil tout entier est à gérer de front avec l'activité même de verser. Pas facile, facile. Juste ce qu'il faut pour un 5ans. 😊


"Regarde, Louiselle. Tu vois ces traits gravés dans le plastique qui font le tour de la bouteille ? Choisis-en un. Celui-là ? Bon. Je vais le marquer en rouge avec ce feutre, tu vois, comme ça. A présent, deux missions : d'abord tu vas remplir d'eau cette bouteille-là, celle qui n'est pas marquée. Ensuite, tu fouilles dans ce placard-ci à la recherche du petit entonnoir blanc."

Ceci fait (j'ai eu le temps de finaliser mon transfert de déchets ménagers...) : "Voici un torchon, au cas où il y aurait de l'eau sur la table à essuyer. Le jeu consiste à remplir la bouteille marquée d'un trait rouge... jusqu'au trait rouge ! Attention, tu dois t'arrêter juste à temps !"


"Pile !", s'exclame Louiselle, ravie. Au bruit de sa joie, son frère pointe son nez dans la cuisine et vient s'installer à ses côtés.

 

"A présent, tu transvases à nouveau l'eau dans la bouteille de départ et tu peux recommencer l'activité autant de fois que tu veux."

Au bout de quelques tours, j'ajoute : "Bien sûr, dans l'idéal, il aurait fallu plusieurs bouteilles. On aurait marqué chacune d'un trait à une hauteur différente, ça aurait été plus varié."

"Ce n'est pas grave, répond Louiselle. J'ai une idée. J'efface ton trait avec le torchon et je vais en faire un autre ailleurs.


"Antonin, poursuit-elle, choisis  un creux dans le plastique. Celui-là ? D'accord, regarde, je le marque. Comme ça tu peux faire le jeu, toi aussi. Attention, tu dois t'arrêter juste au trait !"


Antonin, bien content, fait l'exercice, s'y reprend parfois à plusieurs fois pour obtenir le niveau voulu, prend le temps d'assurer sa main. Sa sœur le coache avec sérieux : "Attention, prends une grande respiration ! Je vais te dire stop... Ralentis... STOOOOOP !". Le jeu dure un moment (j'ai commencé le récurage de l'évier).

"Bon, dit Antonin, j'ai une idée. (A son tour) Puisqu'on n'a pas plusieurs bouteilles, je vais dessiner plusieurs traits rouges sur la même bouteille. Il faudra remplir jusqu'au premier trait, faire une pause, et puis mettre de l'eau jusqu'au deuxième trait, faire une pause, etc."


Ainsi fut-il fait.


Décidément, les versés, ce n'est pas que pour les bébés ! 😉